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Ville zéro déchet : l'exemple de San Francisco

San Francisco – ville « zéro déchet » – entretien avec Robert Reed

Par C. l'air du temps

Aux Etats-Unis,  un américain jette en moyenne 2,2 kg de déchets par jour soit 3,5 millions de tonnes à l’échelle du pays. Pourtant, San Francisco est très souvent citée en exemple comme ville « zéro-déchet ». Elle est présentée comme une ville modèle dans la gestion des déchets, leur recyclage et notamment le compostage à grande échelle. La ville a atteint en 2014 un taux de 80% de recyclage et compostage des déchets et s’est fixée un objectif à 100% pour 2020 !

Le 19 juin 2018, Robert Reed, le porte-parole de l’entreprise californienne Recology, était à Toulouse. Il a donné une conférence, organisée par Zero Waste Toulouse en collaboration avec Ceci & CelaFrance Nature Environnement et Zero Waste France.

En amont de la conférence, Claire a eu la chance de pouvoir lui poser quelques questions.

Si on devait mettre bout à bout la quantité de déchets produite aux Etats-Unis chaque jour, cela représenterait une ligne traversant le pays d’Est en Ouest – chaque jour c’est une nouvelle ligne qui recommence.

Entretien avec Robert Reed au sujet de San Francisco

Qu’est-ce que Recology ?

Recology est la principale entreprise de gestion des déchets de la ville de San Francisco. Elle collecte les déchets auprès des habitants et des entreprises : les déchets recyclables, les bio-déchets compostables et les déchets résiduels qui n’ont pu être recyclés ou compostés.  A ce jour, l’entreprise recycle 600 tonnes de déchets par jour et composte 800 tonnes de bio-déchets. Et ce pour l’ensemble des 870 000 habitants et 5 000 restaurants de la ville.

Il s’agit d’une société coopérative. C’est à dire qu’elle est détenue à 100% par les salariés – du conducteur de camion, à l’employé sur la chaine de recyclage, en passant par celui qui gère le compost. Son activité est régulée par la ville, qui reste le seul décideur de la politique menée sur les déchets.

A quoi ressemblait San Francisco en l’an 2000 ?

Robert Reed a commencé à travailler chez Recology en 1993. A cette époque le taux de recyclage à San Francisco était de 38%. La mairie a alors souhaité se fixer un premier objectif de 50% de déchets non mis à l’incinérateur ou en décharge. Ce but a été atteint en 2000.

San Francisco est une ville libérale et progressiste qui veut toujours mieux faire en terme du respect des droits de l’Homme, des initiatives sociales & environnementales. A cette époque, la population a clairement fait entendre sa volonté d’aller plus loin dans la démarche de ville « propre ». Et cette volonté a été entendue par la mairie. Elle a ainsi voté en 2002 cet objectif  de ville « zéro-déchet ». Une décision largement saluée par la population.

Les différents bacs à déchets de San Francisco

Comment s’organise une telle politique ?

Discussion et analyse

Afin de mettre en place une démarche efficace lui permettant d’atteindre l’objectif fixé, 6 employés de Recology et 6 employés de la mairie de San Francisco se réunissent tous les mercredis. Au démarrage, afin de les accompagner dans leur démarche, une équipe d’ingénieurs a analysé les 50% de déchets résiduels. Cette analyse a permis de mettre en lumière que les déchets organiques et le papier étaient des ressources qui pouvaient être valorisées.

Amélioration des systèmes de collectes

Recology a donc mis en place des programmes de collecte adaptés permettant la séparation efficace des déchets destinés à être valorisés. En place depuis 2001 et rendue obligatoire en 2009, la collecte des déchets à San Francisco se fait dans 3 containers de couleurs et (aujourd’hui) de tailles différentes. Il y le recyclable (bleu), le compostable (vert), le résiduel (noir). Les camions ont notamment été aménagés afin de prendre plusieurs bacs à la fois permettant un tri efficace dès la collecte.

Quel est l’intérêt économique ?

Le déchet comme richesse 

La valorisation du papier et des bio-déchets permet la création de matières premières de qualité qui sont commercialisables. Par exemple, le compost est utilisable à la fois comme engrais naturel et dont les vignerons de la Napa Valley raffolent, et comme gaz dans le cadre de la méthanisation. Les bénéfices engendrés permettent à la ville d’améliorer sans cesse les programmes de collecte, de tri et de recyclage. Ils permettent également de mettre en place des campagnes de sensibilisation auprès des habitants et des entreprises.

Le déchet créateur d’emploi

Un déchet inerte en décharge ou incinéré ne rapporte pas d’argent. La mise en place de programmes ambitieux de collectes a notamment permis la création de nombreux emplois.

Mieux trier ne coûte pas plus cher

Comme nous l’explique Robert Reed, un tel système de collecte n’est pas nécessairement un poids financier pour les habitants. Un habitant de San Francisco paie environ 40 dollars pour la collecte de ses déchets contre 45 voire 50 ou 60 dollars pour les habitants des villes voisines avec un système de collecte classique.

Robert Reed explique qu'habiter dans une ville zéro déchet ne coûte pas plus cher

Les clés du succès

La demande citoyenne

San Francisco est une terre libérale et progressiste. Ses presque 870 000 habitants étaient en demande de vivre dans une ville propre et respectueuse de l’environnement. De fait, la politique votée et mise en place par la mairie est saluée et soutenue par la population. De même, chaque nouvelle annonce de législation en faveur de l’objectif d’une ville « zéro-déchet » à savoir « 100% de déchets valorisés » est accueillie avec enthousiasme et ferveur par les citoyens. Le dernier exemple étant l’interdiction de vendre des bouteilles en plastique sur l’espace public.

Le courage politique

Selon Robert Reed, le succès du projet revient en grande partie au courage de la municipalité. Celui-ci est nécessaire pour insuffler l’énergie nécessaire au projet et lui donner les moyens de ses ambitions. Cette volonté municipale passe à la fois par  :

  1. l’inscription de la démarche dans le projet politique de la ville ;
  2. le choix de mettre en place les structures nécessaires permettant une collecte efficace ;
  3. la mise en place de mesures phares et fortes. Comme l’interdiction de bouteilles en plastique sur l’espace public ou la mise en place d’un label écologique obligatoire pour les entreprises souhaitant travailler sur San Francisco, leur imposant de recycler 75% de leurs déchets ;
  4. La tarification incitative est également un catalyseur important de la démarche. A San Francisco, tous les flux de déchets sont payants (recyclables, biodéchets). Néanmoins, les tarifs sont adaptés pour garantir à la fois une incitation au tri et une incitation à la prévention. Le container des déchets résiduels est ainsi plus taxé que les autres containers.

Entreprise efficiente

Recology en tant qu’entreprise principale de collecte et de traitement des déchets apparait comme la pierre triangulaire de l’efficacité de la démarche. La mise en place d’un système de collecte, de tri et de valorisation efficace, en coordination avec la mairie et après analyse de la situation, est le moyen qui permet au projet d’être une réussite.

Ce modèle de ville zéro déchet est-il reproductible ?

Le modèle de ville zéro déchet est-il reproductible ?

De nombreuses municipalités, entreprises ou même universités sont venues chercher l’inspiration afin de reproduire le modèle de ville « zéro-déchet » de San Francisco. Certaines villes comme Parme, Roubaix ou même encore Lille ont réellement engagé une politique audacieuse et réussie en matière de réduction des déchets.

Nous avons demandé à Robert Reed quelle serait la « recette miracle ». Et surtout dans quelle mesure le système était reproductible à l’échelle d’une ville comme Toulouse par exemple.

Une vision à long terme

L’important en premier lieu selon lui, c’est de voir « grand » et d’être courageux dans la démarche. Tout en se rappelant l’origine de la démarche : une ville propre et respectueuse de l’avenir. La vision à long terme et le choix d’objectifs ambitieux sont primordiaux.

Communication, partage et éducation 

Cyril Dion rappelle souvent que les actions individuelles doivent devenir systémiques pour avoir un réel impact. Ainsi, si de plus en plus de Toulousains se mobilisent & échangent au sujet d’une ville plus propre, alors le mouvement deviendra de plus en plus grand et contagieux. Au point que la municipalité dise un jour : « j’ai une idée, faisons de Toulouse une ville « zéro-déchet » ! »

Comme le rappelle Robert Reed, une des actions prioritaires reste l’éducation des jeunes. La découverte de l’écologie, du compostage et du recyclage dès le plus jeune âge dans les écoles permet de diffuser le message dans les foyers au travers des enfants qui s’en font les porte-paroles.

Quelques chiffres en France

Quelques chiffres pour se repérer

Sur Toulouse Métropole en 2016 // 765 260 hab.

Ordures Ménagères résiduelles (après recyclage et/ou compostage) = 277 kg/hab/an

Emballages et papiers recyclables 39 kg/hab/an

Verre 20 kg/hab/an

Sur Le Sicoval (ayant mis en place la tarification incitative) en 2016 // 73 000 hab.

Ordures Ménagères résiduelles (après recyclage et/ou compostage) = 171 kg/hab/an

Emballages et papiers recyclables 55 kg/hab/an

Verre 31 kg/hab/an


En rappel, en anglais le terme Waste a la double signification de « déchet » et de « gaspillage ». Ainsi la démarche Zero Waste reste avant tout une réduction des déchets à la source. Dans cet objectif, le recyclage et le compost viennent en support de la démarche.

De cette conversation avec Robert Reed, nous avons retenu l’importance primordiale de l’envie et de l’action citoyenne. Mais également de lanécessaire sensibilisation notamment auprès des plus jeunes. Mais, il faut également des municipalités visionnaires avec le courage de mettre en place les actions et les acteurs pour mener à bien cette démarche. Au point d’en faire un véritable projet politique.


Un grand merci à Zero Waste Toulouse pour avoir organisé cette rencontre

Merci à Lucie de Jedeviensecolo pour les chouettes photos : retrouvez ci-dessous son interview vidéo en complément de cet article ☟

Saviez-vous que San Francisco était une ville « zéro-déchet » ?

Motivons nos municipalités afin qu’elles prennent cet exemple comme modèle !

2 Commentaires

Lucie 26 novembre 2019 - 14 h 06 min

Cette rencontre était très instructive. Voir comment une si grosse commune a implémenté la philosophie zéro déchet est une bonne leçon à diffuser pour que d’autres villes d’autres pays s’y mettent !

Répondre
C l'air du temps 26 novembre 2019 - 18 h 08 min

Oui effectivement c’est chouette de voir la démarche à l’échelle de la ville ! nos parents qui en reviennent nous ont dit qu’effectivement ça se ressentait beaucoup sur place !

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