Polluants éternels : qui de l’oeuf ou de la poêle ?

Ils font la une de la presse depuis quelques semaines. Eux ce sont les polluants éternels aussi appelés PFAS ! (se dit « Pi » « Face »).

Mais c’est quoi encore cette histoire ? L’emblème de cette pollution massive c’est notre poêle à frire en Téflon (ou toute matière anti-adhésive).

Comme beaucoup d’entre nous, je sais depuis longtemps que ma poêle en Téflon rayée est très mauvaise pour la santé. Mais ce que je ne savais pas jusqu’il y a peu, c’était que ce n’était pas tant au moment de me faire cuire un oeuf que je risquais le plus gros pour ma santé. C’est au moment de sa fabrication que notre poêle est la plus dangereuse !

On appelle « polluants éternels » une famille de composés chimiques de synthèse perfluoroalkylés ou polyfluoroalkylés : aussi nommés les PFAS. Ils sont composés d’une liaison de carbone et d’atomes de fluor, ce qui les rend très solides et très résistants. Depuis qu’ils ont vu le jour accidentellement dans un laboratoire dans les années 30, ces substances sont devenues les petits chouchous des industriels. Cette famille comptent aujourd’hui des milliers de substances différentes qu’on retrouve dans la fabrication dans tous les objets de notre vie quotidienne. Cosmétiques, vêtements, loisirs, poêles anti-adhésives, lentilles de contact etc…

Le « waterproof » de notre mascara, le « longue durée » de votre notre rouge à lèvres, le « déperlant » de notre veste de pluie, « l’imperméable » de notre pantalon Gore-Tex, le fart de nos skis : ce sont eux.

Ils sont absolument partout et ça représente un énorme problème de santé publique.

Et moi, clairement je trouve ça hallucinant que ça ne se sache pas plus ! Donc je vous explique !

Les PFAS : ces polluants éternels

Prise de conscience

Il y a 10 ans, quand notre batterie de poêles avec revêtement anti-adhésif est arrivée en bout de vie, nous avons décidé de les remplacer par des casseroles et poêles en inox. J’avais déjà compris à l’époque que c’était un des matériaux les plus sains. Mais nous avions quand même acheté – dieu que les habitudes ont la vie dure – une poêle de cette même marque avec un revêtement anti-adhésif pour les crêpes et les oeufs…

L’autre jour, en cuisinant mes oeufs justement, j’ai vu que le revêtement de cette poêle commençait à s’abîmer. J’ai alors eu un énorme doute. 

Genre un gros « red flag » comme disent les anglo-saxons.

C’est alors que je tombe sur un documentaire réalisé par le duo Avant l’Orange sur la pollution aux PFAS. Déjà l’an dernier, j’avais déjà lu la vaste enquête du journal Le Monde sur le sujet. Donc je savais – plus ou moins.

Mais c’est comme si je prenais un nouveau coup de massue. J’ai pris conscience de l’ampleur du problème. C’est tellement énorme, ça coûte des milliards d’euros en santé publique et pourtant il ne se passe rien. Le système entier est à revoir car un produit chimique met 9 mois à être mis sur le marché, 20 ans à en être retiré. Ça laisse le temps à une génération entière pour développer des tas de maladies donc des cancers.

Mais en fait, le Téflon, d’où ça vient ?

Je vais essayer de ne pas vous bassiner avec trop de bla bla scientifique et technique. Mais grosso modo tout commence en 1938 dans un laboratoire de la société chimique américaine du Pont de Nemours. Roy Plunkett, fait alors refroidir un gaz fluoré dans de la neige carbonique. 

Il créé ainsi, par pur hasard, une liaison carbone-fluor, une poudre blanchâtre dont il découvre qu’elle :

• n’est soluble dans quasiment aucun solvant
• résiste à une température de 260 °C
• a des propriétés anti-adhésives exceptionnelles. 

C’est la naissance du polytétrafluoroéthylène, PTFE ou futur Téflon. Et avec lui, de l’histoire d’une pollution massive qui dure depuis plus de 50 ans et que les industriels cachent depuis autant de temps avec la complicité des autorités.

Le PTFE est tellement résistant qu’il sera utilisé sur les chars de la deuxième guerre mondiale. Mais aussi dans la construction de la bombe atomique. Oui oui vous avez bien entendu… Et pourtant, c’est cette même matière qui sera utilisée pour revêtir les poêles à frire aux USA dès 1951.

C’est Marc Grégoire en France qui – sous la marque Tefal – commercialisera la première poêle anti-adhésive en aluminium. Et qui a depuis, inondé des millions de foyers dans le monde.

Ça c’est l’histoire du côté sucess story. La suite est beaucoup moins drôle.

Qui de l’oeuf ou de la poêle ?

Le journal Le Monde dévoile en février 2023 une enquête exclusive menée partout en Europe sur cette contamination massive aux polluants éternels. Une carte interactive montre l’étendue de la contamination par les PFAS.

Car finalement, ce n’est pas tant dans notre poêle que ces substances sont le plus toxiques. C’est majoritairement au moment de leur fabrication qu’elles se retrouvent de façon persistante dans l’air, dans l’eau contaminant notre alimentation et notre eau potable. Les entreprises qui fabriquent ces substances polluent l’environnement d’une manière manière massive et éternelle. C’est le cas de nombreux lieux en France comme Pierre Bénite dans la périphérie lyonnaise qui héberge deux entreprises qui utilisent ou ont utilisé des composés perfluorés. Arkema et Daikin. Le journaliste Martin Boudot (Vert de Rage) a réalisé pendant un an des prélèvements autour de ces sites, et révèle pour certains rejets « des concentrations en PFAS extrêmement élevées (364 144 ng/l), 36 414 fois plus élevées que l’échantillon contrôle. »

Aujourd’hui, plusieurs PFAS sont d’ores et déjà interdits. Le PFOA – autrefois utilisé pour créer le Téflon – est interdit à la vente et à la production depuis 2020, le CIRC l’ayant classé comme « cancérogène pour les humains » (groupe 1) en 2023. Mais c’est aussi le cas du PFOS interdit depuis 2020 et du PFHxS depuis 2022.

C’est déjà ça mais comme toujours les industriels ne s’avouent pas vaincus. Comme toujours, quand une substance est interdite, ils trouvent une porte de sortie en utilisant leurs petites soeurs tout aussi chimiques.

Ainsi, même si vous voyez la mention « sans PFOA ou sans PFOS » : ce n’est pas une valeur sûre ! C’est juste une mention légale. Il faut qu’il y est écrit « sans PFAS »

Toxiques : ils sont partout autour de nous !

Et l’affaire ne s’arrête pas aux poêles puisqu’on retrouve ces – tristement fameux – PFAS dans les textiles imperméabilisants et respirants comme le Gore-Tex, les cosmétiques, certains embouts de cigarettes électroniques, des lentilles de contact….

Aujourd’hui, il existe de nombreuses études scientifiques sur le sujet – comme dirait Camille dans le documentaire – comme un mini GIEC des PFAS. A ce stade, on les soupçonne d’être responsables d’hyper cholestérol, à l’origine de certains cancers, pouvant affecter la stérilité et interférer avec le système endocrinien et thyroïdien.

Si on devait résumer, les PFAS sont un danger pour la santé humaine et l’environnement parce qu’ils sont des polluants organiques persistants (POP), c’est-à-dire qu’ils sont :

• toxiques : nuisibles pour la santé de l’ensemble du vivant ;
• persistants : ils sont très peu et très lentement dégradables naturellement ;
• bioaccumulants : ils s’accumulent dans les tissus vivants et, sont transmissibles par le lait maternel (dans le documentaire on entend un scientifique déconseiller aux mères habitant dans les zones polluées d’allaiter leur bébés) ;
• transportables : on retrouve ces molécules sur de très longues distances, loin de leur lieu d’émission.

Comment éviter les polluants éternels ?

En cuisine les alternatives au Téflon

Oui c’est sûr une poêle qui n’accroche jamais c’est le top mais c’est jouer avec le feu. Sans jeu de mots. Donc il est préférable de bannir TOUTES LES POELES ANTI-ANTI-ADHESIVES de sa vie ! Si on vient de racheter des casseroles et poêles neuves, on peut bien sûr les utiliser mais dès que c’est abîmé on change pour :

L’INOX : c’est solide et perenne, il faut veiller à bien culotter les poêles pour éviter que cela n’accroche de trop.

LA FONTE : elle comme particularité d’accumuler la chaleur, de la conserver et de la diffuser de manière homogène. Elle est adaptée pour mijoter ou cuire à l’étouffé des plats en sauces ou des légumes. Seule inconvénient c’est assez lourd. Mais avantage : on en trouve plein en recyclerie 😉

LE CUIVRE : c’est un matériau assez onéreux mais de nombreux.ses chef.fes l’utilisent en cuisine car il permet un chauffe rapide. Il ne convient cependant pas aux plaques à induction.

Je vous parle plus en détail des différentes alternatives et marques dans un prochain article dédié aux poêles et casseroles. C’est une sujet qui m’a toujours intéressée d’ailleurs je vous ai déjà parlé aussi de toutes les alternatives pour cuisiner sans plastique.

Des cosmétiques sans polluants

Les polluants éternels sont utilisés comme ingrédients dans certains de nos cosmétiques. On les retrouve ainsi dans les poudres & fonds de teints, les mascaras (surtout les waterproof), les soins anti-âge. Bien que non nécessaires dans les cosmétiques, ils sont quand même utilisés car ils augmentent leur durée de vie, et surtout les rendent résistants à l’eau.

Comment éviter les Pfas dans les cosmétiques

1. acheter des cosmétiques bio : 100% issues de la pétrochimie, les PFAS sont totalement interdits dans les cosmétiques bio. 
2. décrypter la liste INCI de nos cosmétiques préférés en cherchant les petits noms suivants :

• PFTE (Teflon)
• Perfluorononyl triethosyxilane
• Perfluorononyl dimethicone
• Ethyl perfluorobutyl ether
• Perfluorotetralin,
• Polyurethane-27 / Polyurethane 
• Polyperfluoroethoxymethoxy Peg-2 Phosphate
• Octafluoropentyl Methacrylate
• Pentafluoropropane
• Methyl Perfluorobutyl Ether
• Perfluorononylethyl Carboxydecyl Peg-10 Dimethicone
• Perfluorodecalin
• Polyperfluoroethoxymethoxy Difluoroethyl Peg Phosphate
• Perfluorodimethylcyclohexane
• Perfluoroperhydrophenanthrene
• PEG-10 dimethicone
• C9-15 fluoroalcohol phosphate
• Perfluorohexane

Des vêtements techniques oui mais sans danger

On retrouve les PFAS en masse dans nos vêtements techniques, mais pas que. Ils permettent de les rendre imperméables tout en étant respirants. C’est le cas notamment du Gore-Tex qui n’est autre que du PTFE (soit du Téflon) étiré. Mais ce n’est pas la seule marque qui fait ça. Et au final c’est ça qui est un peu traitre. Mettre dans le viseur une seule marque fait oublier toutes celles qui utilisent d’autres PFAS dans les produits.

Comment éviter les PFAS dans les vêtements :

1. se tourner vers les vêtements certifiés : GOTS, Oeko-Tex Standard 100…
2. acheter au maximum des matières naturelles : coton biologique, lin, chanvre.
3. privilégier le vintage de l’époque où les PFAS n’existaient pas (soit probablement les années 50)
4. choisir des marques qui ont banni les PFAS de leurs vêtements outdoor, en voici quelques-unes (plus de marques dans cette sélection The Good Goods)

• Vaude
• Deuter
• Icebreaker
• Picture Organic Clothing
• Nosc

Se mobiliser collectivement pour interdire les PFAS

Le 4 avril dernier, les députés, ont voté – en première lecture, sans votre « contre » – une proposition de loi visant à protéger la population des risques liées aux PFAS. Cette proposition de loi, portée par le députée Nicolas Thierry – a abouti à l’interdiction de la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits non essentiels contenant des PFAS. Soit à l’horizon 2026 pour les cosmétiques, les produits de fart pour les skis et les vêtements et 2030 pour tous les produits textiles.

Et les poêles alors ? Sous la pression des industriels – notamment SEB dont Tefal est quand même le fabricant historique de poêles anti-adhésives si vous avez bien suivi 😉 l’interdiction ne concerne donc pas les PFAS utilisés pour nos ustensiles de cuisine. Le lobbying industriel a donc sorti la carte de la protection des emplois et de la compétitivité au détriment de notre santé.

Il reste encore au texte à passer au Sénat pour crier à la victoire. Mais, fêtons quand même ce vote historique qui n’aurait pu avoir lieu notamment sans la mobilisation citoyenne. Car c’est bien d’en parler de son coté, mais c’est encore plus puissant si nous sommes des milliers à dire STOP à cette destruction de notre santé et de notre environnement.

Pour suivre et vous mobiliser sur le sujet des Pfas, n’hésitez pas à vous rapprocher du collectif Ban the Pfas et recevoir des informations actualisées. Vous pouvez aussi rejoindre et soutenir l’association Générations Futures qui fait un travail de lobbying sur ces questions de pollutions (pesticides et polluants éternels).

Pour aller plus loin