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Comment (j’essaie de) sortir de l’éco-anxiété

Par C. l'air du temps

C’est l’heure de la rentrée, et (dans mon cas) aussi celle des bonnes résolutions pour éviter de retomber dans l’éco-anxiété (ou solastalgie). Un état psychique, en montagnes russes, dont je souhaite par-dessus me protéger pour continuer à agir.

Celles et ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux le savent, l’été est l’occasion pour moi de faire une grosse détox digitale. D’une part, cela me permet de couper complètement du flot permanent d’informations que je reçois en étant connectée. D’autre part, c’est un exercice qui m’aide à vivre l’instant présent. Ce que j’ai clairement du mal à faire sans y être contrainte par une routine.

Je démarre ainsi chaque année scolaire, après un été en mode « autruche », pleine de bonnes intentions. Décidée à mettre en place toutes ces choses que j’ai pu expérimentées et qui – je le sais – fonctionnent pour m’aider à affronter ces périodes d’éco-dépression. Mais inévitablement, la fin de l’année scolaire approchant, j’arrive épuisée à l’été. C’est aussi le cas à la périodes des fêtes de fin d’année. Je n’ai alors envie que d’une chose : couper toute communication avec le monde extérieur et partir dans l’univers des bisounours où l’effondrement ne serait qu’une chimère.

Même si je ne suis pas une grande experte de ces questions, et clairement pas la plus aguerrie non plus, je sais que nous sommes nombreux.ses à ressentir de la souffrance écologique. Vous m’en faites régulièrement part sur Instagram notamment.

Ainsi, je vous propose de vous donner, en tout humilité, les quelques pistes que j’ai explorées et qui me permettent de retrouver de l’éco sérénité.

Qu’est-ce que l’éco-anxiété ?

L’éco-anxiété (ou solastalgie, un terme préféré par Charline Schmerber – praticienne en psychothérapie) est une forme de souffrance psychologique induite par une prise de conscience de monde qui va mal et des crises majeures auxquelles nous faisons déjà face. Sandrine Roudault, elle, parle de mal au monde. C’est un expression dans laquelle je me retrouve assez bien. Je vous conseille d’ailleurs la lecture de ses livres (Utopie, mode d’emploi notamment).

Angoisse, perte de sens, troubles anxieux, peur de l’avenir : autant de symptômes qui peuvent être des signes d’éco-anxiété. Il faut dire que nous vivons dans un monde qui cumule les nouvelles déprimantes, précipitant notre sentiment d’impuissance et de douleur. En réalité (et ça aide de le savoir) : c’est absolument NORMAL d’éprouver de l’éco-anxiété face à l’effondrement en cours de la société. Ce n’est pas une maladie mais plutôt le comportement sain d’un cerveau rationnel, un tantinet à l’écoute des alertes scientifiques et des signaux extérieurs. Cependant, il est important pour sa santé psychologique de ne pas rester enfermé.e dans cet état d’angoisse. Au risque d’être apathique, en incapacité d’avancer ou de se projeter dans un monde autre.

Crédit photo @leagarson

Quelques pistes pour lutter contre l’angoisse écologique

La question de l’angoisse écologique est la prise de conscience d’un monde qui change et qui ne sera plus jamais le même. Quand on parle des crises environnementales, certain.e.s ne se sentent absolument pas concernés. D’autres sont dans le déni, ou au contraire dans la colère, ou la tristesse.

Toutes ces émotions sont associées à une perte et donc à un processus de deuil qui s’entame, inévitablement. D’ailleurs, on y associe régulièrement le modèle des 5 étapes de deuil, théorisé par Elisabeth Kübler. Il existe d’ailleurs des variantes de ce modèle quand on parle d’effondrement. D’abord, la phase descendante (déni, colère, marchandage et tristesse) à laquelle succède la phase ascendante (acceptation, pardon, sérénité). Bien que la validité de ce modèle soit souvent questionné, une chose est sûre : on traverse bien ces étapes quand on prend conscience des défis écologiques. Je l’ai éprouvé moi-même 😉

Ce processus n’est, bien sûr, pas linéaire mais plutôt propre à chacun.e. Pour ma part, je fais souvent le yoyo entre la tristesse et la sérénité. Bonjour les montagnes russes. Il est nécessaire selon moi, comme dans tout rapport sain avec ses émotions, d’accueillir mes ressentis. Accueillir sans vouloir soigner ou « régler le problème » mais plutôt bien prendre soin de soi.

1. Accueillir : mettre des mots sur les maux

J’ai le réflexe avec mes enfants et pourtant, j’oublie très souvent de le faire pour moi-même. Prendre conscience de ses émotions est une clé essentielle pour pouvoir avancer sur le chemin de l’éco-anxiété. La méditation est un outil qui m’aide beaucoup sur ce point, notamment en faisant régulièrement des « scans corporels ». Cela me permet d’identifier ce que je ressens : est-ce de la joie ? de la tristesse ? de la colère ? est-ce qu’elle se situe dans mon ventre ? dans ma poitrine ?

Plus largement, écouter mes émotions permet de mettre des mots sur mes maux. J’ai constaté que les laisser émerger – sans les juger – est le point de départ pour me remettre en action.

C’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui : s’autoriser à ressentir, à exprimer les émotions qui nous traversent en lien avec l’état du monde, accueillir ce qui est là à l’intérieur de soi. Notre habitat est en souffrance, il est donc bien légitime d’être inquiet, triste, angoissé, en colère.

— Charline Schmerber

2. Se préserver : filtrer les informations

Encore cette année, j’étais exténuée et (très) angoissée dès le début de l’été. Une des raisons principales ? A ce moment-là, je n’arrive plus à me protéger des informations que je reçois. Etant ultra présente sur les réseaux sociaux et sur le web pour mon travail, je suis continuellement immergée dans un flot d’informations. Cela créé une espèce de continuum d’infos subies qui génèrent une angoisse latente, en grande partie responsable de mon éco-anxiété.

Pour moi, il est donc, absolument nécessaire et vital de se préserver des sources extérieures d’informations. Je ne veux pas dire qu’il faut fermer les yeux mais point n’en faut trop. Ainsi, notamment sur Instagram, je sélectionne avec beaucoup de soin les comptes que je suis. Mon astuce : j’essaie d’analyser les émotions que les contenus partagés génèrent en moi. Si c’est de l’angoisse, qui me fige et qui m’entraîne dans des mauvaises pensées, je me désabonne.

Néanmoins, j’essaie de sélectionner quelques sources d’informations fiables, auxquelles j’accorde du crédit et qui proposent des solutions. Je pense notamment au média Blast ou aux infographies « qu’est-ce qu’on fait ». Mais là encore, je me fixe de regarder avec parcimonie, et de manière ponctuelle, souvent en lien avec les sujets que je creuse pour Instagram ou le Blog. Je pense que cela va également de pair avec la sobriété numérique. J’ai arrêté il y a des années de regarder la télévision pour ne plus subir des informations que je ne souhaitais pas ingérer malgré moi. Sur les réseaux également, je souhaite avant tout rester actrice des informations que je regarde.

3. Choisir un entourage soutenant et partager

Je pense que l’éco-anxiété est accentuée par la solitude. Se projeter dans un avenir durable et désirable nécessité de questionner le lien que nous avons avec l’autre. Cependant, nul besoin au quotidien de s’entourer de personnes climato-sceptiques. Il est important de se constituer un cercle soutenant – qu’il soit familial, amical ou professionnel – afin partager nos émotions et nos pensées sans être jugé.e.s.

On peut également faire le choix d’être accompagné.e et ce, dans un espace d’expression où on ne sera pas jugé. Surtout, où on pourra partager notre vécu avec quelqu’un passé par le même processus. Cet accompagnement peut prendre plusieurs formes. Cela peut être par la thérapie, c’est mon cas. Régulièrement, une fois que j’ai accueilli mes émotions et que je sens que je perds pied, je demande de l’aide à « ma » thérapeute.

Cela peut-être également par un exercice de reliance à un groupe, sous forme de retraite ou d’atelier. Je pense notamment Au travail qui relie, « une démarche de travail en groupe permettant d’aborder (les questions d’angoisse écologique) en alliant les dimensions corporelle, émotionnelle et spirituelle à notre compréhension rationnelle du monde et à notre engagement dans l’action« . Sur la base de ce travail, Edeni propose régulièrement des retraites « éco-sérénité » qui permettent de dépasser l’éco-anxiété à plusieurs.

4. Pleine conscience : VIVRE l’instant présent

Je me suis mise à la méditation de manière régulière depuis 3 ans. Et ce, en grande partie grâce à la lecture du livre de Jonathan Lehmann, Les Antisèches du Bonheur. La méditation a des bienfaits indéniables sur notre cerveau. Elle me permet surtout de revenir à « l’ici et maintenant ».

L’éco-anxiété se matérialise chez moi principalement par la peur du futur, incertain, d’un monde qui ne sera plus le même et qui n’est (absolument) pas prêt pour les changements à venir. Le travail de pleine conscience grâce à la méditation permet de revenir à l’instant présent, à ce qui se vit maintenant. Car il est vrai qu’à force de s’angoisser pour le futur, on a tendance à oublier de vivre le présent. Cela ne veut pas dire être « je m’en foutiste » et prendre un avion pour décompresser les pieds dans le sable à Bali. Mais plutôt, de revenir à une réalité : je n’ai qu’une vie, et je dois essayer de la vivre le plus pleinement possible.

En toute honnêteté, avoir des enfants m’aide grandement à « l’ici et maintenant » par leur capacité innée à vivre l’instant présent. Chacun.e peut avoir sa propre manière de vivre en pleine conscience : apprécier la beauté du monde qui nous entoure, sortir de l’aveuglement métro-boulot-dodo pour éveiller les sens à ce qui se passe autour de soi. On peut se balader en forêt, mettre les mains dans la terre, faire de poterie et savourer le geste. Libre à chacun.e de trouver sa voie de la pleine conscience. L’idée étant, comme le résume si bien Anaelle – La révolution des Tortues – « d’honorer ce qui me rend heureux·se d’être ici, ce qui a du sens pour mon cœur. Habiter le temps dont je dispose sur Terre, faire jaillir la lumière même dans l’obscurité. Pouvoir dire en partant : j’ai été présent.e à ma vie. »

5. Se mettre en action : reprendre la main

L’éco-anxiété a tendance à nous plonger dans un état d’inertie : on est, littéralement, en perte de sens. Cette « dépression écologique » nous bloque et ne permet pas de passage à l’action. A cette phase de dépression, succède une remise en action. Et d’ailleurs, c’est également aussi par la remise en mouvement que j’arrive à sortir moi-même du creux de la vague. Rejoindre des actions concrètes, imaginer des projets collectifs, penser au positif : tous ces élans de mouvements sont moteurs et porteurs.

D’ailleurs, je constate que chez moi les deux sont assez liés : quand je suis un peu déprimée, je peine à m’inscrire dans des projets. Et, quand je suis au coeur de projets inspirants, il n’y a pas la place pour les idées noires car je façonne l’imaginaire et fabrique un futur dans lequel je trouve une place qui a du sens. Cela a notamment été le cas cette année avec le projet Horizons Culinaires, un projet de co-création autour de la cuisine végétale. Toute l’émulation autour du projet, autour des personnes inspirantes de l’équipe du projet a été extrêmement porteuse.

On peut rejoindre une association qui défend une cause qui nous tient à coeur, se concentrer sur les gestes individuels du quotidien à portée de main, s’engager au sein de son entreprise pour faire bouger les choses à son échelle, animer des ateliers dans l’école de ses enfants : le champ des possibles est infini !

Crédit photo @emilieeychenne

Pour sortir de cette éco-anxiété, on peut réfléchir au positif, à ce que l’on pourra y gagner, de quelle manière on peut transformer sa vie et avoir un impact.

Charline Schmerber

6. Renouer avec l’expérience de nature, avec le vivant

Comme tout être vivant, nous faisons partie de la nature. Plus nous vivons hors sol, moins nous sommes en capacité d’avoir des connexions avec le vivant qui nous entoure. Cette déconnexion, dès l’enfance, est préjudiciable. D’une part, cela nuit à la construction de la conscience de ce qui nous entoure. Cette « extinction de l’expérience de nature » nommée ainsi par les écologues R. Pyle et J. Miller, nous entraine (surtout les urbains et dès le plus jeune âge) vers une vie hors sol. En gros, plus on vit déconnecté de la nature, plus notre conscience de ce qui nous entoure et notre identité environnementale sont faibles. Dans le cas de la solastalgie, renouer avec le vivant permet de se projeter dans un futur désirable qui demande notre action pour le défendre. Car SAVOIR ne permet pas toujours de se mettre en action. Nous avons besoin d’expérimenter.

D’autre part, et c’est tout à fait primordial, renouer avec l’expérience de nature permet de profiter des effets bénéfiques que la nature peut avoir sur nous (bien-être physique, cognitif et émotionnel). Il suffit de se balader en forêt pour éprouver tous ces bienfaits. Or, au quotidien, moi la citadine, j’ai tendance – comme beaucoup – l’oublier. Je m’y « contrains » donc, d’autant plus quand je sens venir un moment d’angoisse.

7. Préserver son écologie « intérieure »

On ne peut s’engager dans une cause qui nous tient à coeur, se projeter dans un futur souhaitable et désirable si on ne va pas bien. De manière assez simple, si le moyen de transport est cassé, on n’arrive pas à destination. Se jeter à corps perdu dans l’action, pour « sauver le monde », la tête dans le guidon n’a pas vraiment de sens. D’autant plus qu’on s’y épuise. Car nous ne pouvons « sauver le monde » à nous tou.te.s seul.e.s. (SPOILER : c’est impossible).

Pour ma santé psychique, j’ai eu besoin de lâcher le syndrome de la sauveuse. Pour cela, j’ai du me poser la question de la place que je voulais avoir dans ce monde en train de changer. A la fois, au vu des grands enjeux, mais aussi plus modestement en prenant en compte ma vie personnelle, mon conjoint, mes enfants, ma famille. Qu’est-ce que je peux faire à mon échelle pour être alignée avec mes valeurs et trouver du sens à mes actions. Depuis la naissance de ma fille en 2014, j’ai vécu ma transition écologique comme un tsunami. J’ai basculé vers le zéro déchet, le végétarisme, j’ai changé de travail, j’accompagne – par mon expérience – à la transition écologique. Je crois qu’il est important aussi de mesurer le chemin parcouru. De se remercier pour cela, d’éprouver de la gratitude pour ce cheminement.

Je prends également soin de moi : du temps rien que pour moi (là il y encore du boulot), la pratique du yoga et de la méditation, des moments de pleine conscience en famille ou entre amis, la marche au milieu des arbres, se baigner en rivière. Savourer les petits moments, couper régulièrement des malheurs du monde m’aide à avancer, le plus justement, à ma façon.

Et vous ? Ressentez-vous de l’éco-anxiété ?

Partagez vos ressentis, et/ou vos conseils pour la dépasser

4 Commentaires

Sophie c. 17 septembre 2022 - 10 h 46 min

Un plaisir de te relire !

Ici, après ma semaine de « detox annuelle », les angoisses ont repris le dessus…car beaucoup de changements, en peu de temps….
On continue malgré tout à se reprendre en main (en terme de bien être), on a attaqué des seances d hypnoses (pour une situation bien precise,) et on est en plein dans les montagnes russes émotionnelles… On est donc en plein apprentissage pour ce qui est d’écouter et protéger  » mon enfant intérieure… »

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C. l'air du temps 17 septembre 2022 - 21 h 28 min

Bonjour Sophie ! Et moi cela me fait plaisir de revenir ! Tu as raison c’est vraiment primordial de prendre soin de soi, difficile d’avancer quand on est soi-même pas en forme… Pour revenir à ta détox annuelle, je trouve personnellement qu’une semaine c’est hyper court. On a à peine le temps de se déshabituer qu’on s’y remet déjà. Moi c’est véritablement au bout de 4 jours que j’arrive à lâcher, vraiment. Mais bien sûr c’est déjà top de le faire, quelque soit la durée. A tester la prochaine fois de faire un peu plus long pour en percevoir plus les bénéfices peut-être ? A très vite, Claire

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David 28 septembre 2022 - 13 h 56 min

Hello Claire,
Je ne sais pas pourquoi, je me retrouve un peu dans tes propos 😉
Prendre soin de soi pour prendre soin des autres est une nécessité.
D’un autre côté, il n’est pas aisé de s’y fixer…
La vie trépidante que nous impose la société nous empêche assez souvent de déculpabiliser quand nous voulons prendre ce temps pour se ressourcer.
On a l’impression, ainsi que les autres, de ne rien faire et pourtant ne rien faire par moment est plus que nécessaire. 😉
Merci pour cet article et au plaisir de te relire prochainement.
David.

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C. l'air du temps 29 septembre 2022 - 9 h 16 min

Merci beaucoup David pour ton partage ! Je crois aussi que cela fait du bien de partager, on se rend compte qu’on est pas seul.e.s et de fait que cela n’a rien d’anormal.
Je suis d’accord, il est parfois nécessaire de ne rien faire, ou de faire des choses juste pour soi, de manière très égoïste. cela permet de retrouver de l’énergie vitale !
Je suis ravie que mon ressenti, mes émotions puissent trouver écho chez d’autres ! A très vite

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